L’une des caractéristiques des fractures du calcanéum est la guérison particulièrement lente. Il s’agit souvent de fractures très sévères, conséquence d’accidents à haute énergie. Leur prise en charge est complexe, et, bien qu’il s’agisse de la fracture du tarse la plus fréquente, la question n’est toujours pas tranchée de savoir quel traitement, chirurgical ou conservateur, est préférable.

Une équipe du Royaume Uni espère mettre fin à plus de cinquante ans de polémique, grâce à un essai randomisé dont les résultats viennent d’être publiés. Les auteurs ont randomisé 151 patients victimes d’une fracture intra-articulaire déplacée du calcanéum. Les uns (n = 73) étaient traités chirurgicalement par abord latéral, réduction et fixation par vis et plaque, puis pris en charge en kinésithérapie. Les autres (n = 78) bénéficiaient d’un traitement conservateur avec mise en décharge absolue pendant 6 semaines puis décharge partielle pendant 6 autres semaines avec kinésithérapie. Au total 27 chirurgiens acceptaient de participer à l’étude, exerçant dans 22 centres différents. Le résultat du traitement était évalué 2 ans après la fracture, par le score de Kerr-Atkins pour la douleur et l’impotence fonctionnelle (score de 0 à 100, 100 étant le meilleur score possible).

Les auteurs sont formels, l’intervention chirurgicale ne présente pas d’avantages par rapport au traitement conservateur, ni en termes de douleur, ni en termes d’impotence fonctionnelle. Il n’est pas retrouvé de différence significative dans les deux groupes au score de Kerr-Atkins, qui est de 69,8 dans le groupe des patients opérés et de 65,7 dans l’autre groupe (intervalle de confiance à 95 % de la différence de – 7,1 à 7,0). D’autres paramètres ont été comparés, comme la qualité de vie, la vitesse de marche, la symétrie de la démarche et l’état de santé en général. Il n’y a pas non plus de différence sur ces paramètres selon le traitement appliqué. La largeur de talon, raison fréquente alléguée pour préférer la chirurgie, n’est pas significativement différente d’un groupe à l’autre. En revanche, les complications sont plus fréquentes dans le groupe ayant bénéficié d’une intervention chirurgicale. Ce sont surtout des infections (19 %) ou la nécessité d’une réintervention pour l’ablation des vis ou des plaques infectées ou douloureuses (11 %).

Dans cette étude, le temps de guérison est en moyenne de 18 mois. Au bout de 2 ans, la majorité des patients se dit toutefois encore affectée par la blessure et seulement 85 % d’entre eux ont repris leur travail, souvent au prix d’une adaptation de poste.

Les auteurs estiment ainsi avoir mis fin à l’incertitude qui régnait depuis longtemps sur le traitement de la fracture du calcanéum et que plus rien ne justifie une prise en charge chirurgicale immédiate. Un suivi sur un plus long terme serait toutefois intéressant, qui révèlerait peut-être des différences sur le délai d’apparition d’une arthrose ou sur la nécessité d’une arthrodèse de l’arrière-pied. Dans cette étude de 2 ans, cette option s’est en effet révélée nécessaire chez 3 patients traités de façon conservatrice, alors qu’aucun de ceux qui étaient traités chirurgicalement en première intention n’y a eu recours.