La vitesse de la marche suscite un vif intérêt en épidémiologie et en recherche clinique. Il faut dire que ce marqueur simple à mesurer permet d’évaluer la capacité fonctionnelle notamment chez le sujet âgé et d’en extraire des informations pronostiques qui peuvent s’avérer précieuses.
L’utilité de la vitesse de la marche est par ailleurs perceptible chez des sujets d’âge moyen, car la lenteur des déplacements pourrait être corrélée à un vieillissement cérébral précoce.

Des données de la Physicians’ Health Study

Une étude récente publiée dans Atherosclerosis a tout lieu de renforcer l’intérêt des cliniciens pour l’évaluation de ce paramètre dans la pratique courante. Il s’agit en l’occurrence de l’étude de cohorte prospective Physicians’ Health Study : sa particularité notoire est de n’avoir inclus que des médecins de sexe masculin. Ses objectifs étaient multiples, mais les données recueillies ont permis en l’occurrence de rechercher une association entre la vitesse de la marche et le pronostic ultérieur sous deux angles : d’une part, la mortalité globale, d’autre part, la morbi-mortalité cardiovasculaire (infarctus du myocarde létal ou non, revascularisation myocardique à type de pontage aorto-coronaire ou d’angioplastie).
La cohorte a finalement inclus 21 919 participants (âge moyen 67, 8 ± 9,0 ans). Au cours d’un suivi d’une durée médiane de 9,4 années (écart interquartile : 7,9-10,3) ont été dénombrés 3 906 décès et 2 3487 évènements cardiovasculaires liés à une maladie coronaire, selon les critères précédemment définis. L’association éventuelle entre cette morbi-mortalité et la vitesse de la marche a été évaluée au moyen d’une analyse multivariée par régression du type modèle des risques proportionnels de Cox. Des ajustements ont pris en compte les variables suivantes : âge, indice de masse corporelle, tabagisme, fréquence des activités physiques, hypertension artérielle, diabète, insuffisance cardiaque, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, cancer et temps hebdomadaire consacré à la marche.

Corrélation inverse entre la vitesse de marche, la mortalité et le risque d’événements CV

Le risque de décès a été trouvé inversement corrélé à la vitesse de la marche, les valeurs des hazard ratios (HR) étant respectivement de : (1) 0,72 (intervalle de confiance à 95 % IC 95%: 0,64-0,81) pour une vitesse de 3,2-4,7 km/h ; (2) 0,63 (IC 95%: 0,55-0,73) pour 4,8-6,3 km/h ; (3) 0,63 (IC 95%: 0,48-0,83) pour une vitesse ≥ 6,4 km/h (p < 0,0001 versus les participants non marcheurs). Une tendance similaire a été observée pour ce qui est des évènements cardiovasculaires, les valeurs correspondantes des HR étant respectivement de 0,88 (IC 95%, 0,75-1,03), 0,75 (0,63-0,89) et de 0,70 (0,53-0,94) (p<0,0001 versus les non marcheurs). Ces associations n’ont pas été modifiées par l’exclusion des participants qui pratiquaient régulièrement une activité physique.

La vitesse de la marche semble être inversement associée à la mortalité et à la morbidité cardiovasculaire. Cette notion qui reste à confirmer ne vaut, pour l’instant, que pour une population sélectionnée, en l’occurrence 20 000 médecins étatsuniens de sexe masculin. Tout prête à penser qu’elle peut s’appliquer à d’autres cohortes issues de pays industrialisés, compte tenu des données déjà disponibles dans la littérature médicale internationale.

Dr Philippe Tellier

RÉFÉRENCES
Imran TF et coll. : Walking pace is inversely associated with risk of death and cardiovascular disease: The Physicians’ HealthStudy.Atherosclerosis. 2019; 289: 51-56. doi: 10.1016/j.atherosclerosis.2019.08.001.