L’apparition d’une plaie du pied chez un patient diabétique reste à la fois fréquente et préoccupante. Tous les facteurs neurologiques et métaboliques sont réunis pour faire du pied une zone critique où la moindre plaie souvent négligée peut mettre en jeu le pronostic tant fonctionnel que vital. Une gradation internationale du risque de plaie prend en compte l’existence de menaces telles la neuropathie sensitive, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou encore les antécédents à type d’ulcérations ou d’amputations. Cette gradation, pour précieuse qu’elle soit, a ses limites, même quand elle réévaluée tous les ans.

Deux cents patients atteints d’un diabète de type 2

Une étude de cohorte prospective illustre le propos, dans laquelle ont été inclus 200 patients, atteints d’un diabète de type 2. Plusieurs critères ont été pris en compte : (1) neurologiques avec mesure de la sensibilité vibratoire/ thermique et évaluation de la fonction sudoromotrice plantaire, neuropathy symptoms score (NSS), diabetic neuropathy score ; (2) vasculaires avec mesure de la TcPO2 et de l’index de pression systolique, mais aussi de la réactivité microcirculatoire ; (3) podologiques avec évaluation des déformations, de la rigidité articulaire et des pressions plantaire. Le critère d’évaluation principal a été la survenue d’une plaie. Une analyse statistique multivariée a permis de comparer le groupe des cas « plaie » et celui des témoins « sans plaie ».

Un patient sur sept développe une plaie en moyenne à 2 ans

Au terme d’un suivi moyen de 2 ans, 29 patients (14,5 %) ont développé une plaie du pied. Il s’est agi principalement d’hommes (76 %), âgés en moyenne de 67,1±11,2 ans avec un antécédent de plaie dans l’immense majorité des cas (83 %). Une analyse univariée n’a révélé aucune différence intergroupe significative quant aux variables suivantes : ancienneté du diabète, NSS, paramètres vasculaires, rigidité articulaire, réactivité microcirculatoire à l’acétylcholine et à la pression.

En analyse multivariée, dans le groupe des cas (versus témoins) a été observée une altération plus importante et plus fréquente de la fonction sudoromotrice plantaire (p=0,015, odds ratio ou OR=4,38) et de la réactivité microcirculatoire à la chaleur (p=0,021, OR=0,99). Par ailleurs, dans le même groupe, ont été constatés davantage de déformations (p=0,040, OR=4,75) et des pressions plantaires plus élevées (p=0,047, OR=1,31).

Cette étude de cohorte prospective qui porte sur 200 patients atteints d’un diabète de type 2 met en exergue l’importance de certains facteurs associés à la survenue d’une plaie du pied, lesquels ne sont pas au demeurant intégrés dans la gradation actuelle officielle du risque podologique. Cette dernière qui est globale manque de sensibilité dans l’évaluation du risque et il conviendrait d’évaluer notamment la fonction suduromotrice plantaire pour la compléter. C’est ainsi que pourrait être améliorée la prévention au travers d’une amélioration du chaussage en prenant en compte les déformations et en visant une réduction des pressions plantaires.

Dr Philippe Tellier

RÉFÉRENCE
D’après l’abstract de Vouillarmet J et coll. Analyse prospective des facteurs de risque de plaie du pied diabétique. Congrès annuel de la Société Francophone du Diabète (SFD), Montpellier, 21-24 mars 2023.